samedi 26 mai 2012

Devons-nous suivre l'exemple du Vatican ?


L'actualité chrétienne du moment est entachée d'histoires de luttes de pouvoir sur fond d'espionnage au Vatican. Des télégrammes diplomatiques ont été diffusés à la presse italienne, vraisemblablement par le majordome du pape ; il est question de pressions du Vatican dans les affaires politiques italiennes, de scandale de pédophilie ou de mœurs sexuelles de membres du clergé, ou encore, et c'est le sujet le plus médiatisé, d'opacité financière du Vatican, qui est en ce moment en train de demander à rentrer dans la « white list » (liste blanche) des Etats qui satisfont aux obligations européennes de lutte contre le blanchiment d'argent.
Alors forcément, on se demande comment il se fait que de tels comportements existent au Vatican. La séparation religieux-politique, la chasteté, la vérité, l'honnêteté, tout ça est inscrit assez clairement dans la doctrine sociale de l'Eglise (DSE). L'Eglise n'a-t-elle pas un devoir d'exemple ?

La DSE donne à l'Eglise le rôle principal d'annoncer l'Evangile
Ce qui frappe en parcourant le compendium de la DSE avec cette question en tête, c'est qu'on ne trouve quasiment aucune référence à un rôle d'exemplarité de l'Eglise. Exemplarité des chrétiens, oui. Diffusion de la DSE par l'Eglise, oui. Mais pas de rôle d'exemplarité pour l'Eglise.
En effet, on lit : « L'Eglise se place concrètement au service du Royaume de Dieu avant tout en annonçant et en communiquant l'Evangile du Salut et en constituant de nouvelles communautés chrétiennes ». (#49 du compendium). Ca peut sembler être un positionnement surprenant, mais il n'en est rien. S'il fallait choisir, je préférerais une Eglise qui développe son discours pour inspirer l'action des hommes dans le monde entier, mais qui se plante un peu (un peu beaucoup, même) dans sa gestion financière. Le but premier de l'Eglise n'est pas d'être un expert en comptabilité, ni même d'être un modèle de transparence. On lit même dans le compendium (#197) : « Le respect de la légitime autonomie des réalités terrestres conduit l'Église à ne pas se réserver des compétences spécifiques d'ordre technique et temporel, mais elle ne l'empêche pas d'intervenir pour montrer comment, dans les différents choix de l'homme, ces valeurs sont affirmées ou, vice-versa, niées. ».
Le rôle de l’Église est d'annoncer l’Évangile et de constituer de nouvelles communautés chrétiennes, et c'est là qu'elle doit faire porter ses efforts. Alors bien sûr, la force de l'exemple est un argument à ne pas négliger. De la même manière qu'un ministère de l'écologie doit être capable de fonctionner avec une certaine attention à l'environnement, qu'un ministère de la justice doit être capable d'appliquer une certaine équité dans ses promotions internes, qu'un ministère de l'économie doit être capable d'utiliser avec parcimonie les fonds publics qu'il consomme pour ses propres besoins, il est nécessaire que l’Église puisse faire appliquer en son sein les principes – nombreux ! – qu'elle enseigne aux hommes. Faute de réussir à se conformer à ses propres principes, elle fait passer le message implicite que certaines conditions peuvent permettre de s'affranchir de ces préceptes (manque de fonds, manque de compétence, ...). Mais il faut bien comprendre que l'enseignement est la vraie première mission de l’Église.

En parlant d'exemplarité, on peut néanmoins remarquer que c'est l'une des ouvertures du document des évêques de France sur l'environnement, (pas cher, 2,85€ !) qui indiquent que : « L'Eglise n'a pas de compétence propre pour apporter des solutions globales aux différentes questions environnementales, tels les changements climatiques, l'épuisement des ressources naturelles, la perte de la biodiversité, les choix énergétiques. Mais elle doit être exemplaire dans ses actions et dans ses modes de consommation. Elle ne doit pas hésiter à faire connaître ses réalisations heureuses en la matière, convaincue de la force de persuasion des comportements exemplaires »

Le chrétien applique les principes de la DSE et témoigne par sa vie du message de l’Église

L'une des raisons pour lesquelles (je pense), cette exemplarité de l'Eglise n'est pas développée plus dans le compendium est le fait que l'homme ne doit pas faire reposer sur des structures ses choix moraux : « une acception du péché social qui, plus ou moins consciemment, conduirait à en diluer et presque à en effacer la composante personnelle, pour n'admettre que les fautes et les responsabilités sociales, n'est ni légitime ni acceptable. Au fond de chaque situation de péché se trouve toujours la personne qui pèche. » (#117).  (tiens, première fois que je re-cite la même phrase que dans un précédent article, champagne !). La parabole du bon samaritain va également dans ce sens. Celui qui est « le prochain » de l'homme tombé aux mains des brigands est le samaritain, et pas le prêtre ou le lévite qui ont passé leur chemin pour suivre la loi. Ce sont les choix personnels qui engagent moralement l'homme.
Et dans ce domaine, les conseils du compendium ne manquent pas : le chrétien doit être exemplaire ! (ouf, on retombe sur nos pattes, du coup, il y a donc quand même une certaine logique à ce que l'Eglise, constituée de chrétiens, ait un comportement exemplaire)

En effet, les chrétiens sont « le ferment » de la DSE. Dans le langage moderne informatique, on parlerait des « early adopters » (les premiers utilisateurs).
« les fidèles laïcs peuvent contribuer, comme du dedans, à la sanctification du monde, à la façon d'un ferment, en exerçant leurs propres charges sous la conduite de l'esprit évangélique, et manifester le Christ aux autres avant tout par le témoignage de leur vie » (#545). BAM ! on peut difficilement faire plus clair. Commencez vous-mêmes, et ensuite, les autres vous verront et vous copieront. Ma marraine m'a donné à ma première communion un livre de paraboles du temps moderne. On y apprend que pour faire boire un âne qui n'a pas soif, il ne sert à rien de le forcer, de le pousser, de le tirer, de lui mettre la tête dans l'eau... Il faut simplement mettre à côté de lui un âne qui a soif. Soyons ces ânes qui ont soif pour donner soif aux autres ! « Le besoin d'une nouvelle évangélisation fait comprendre à l’Église que son message social sera rendu crédible par le témoignage des œuvres plus encore que par sa cohérence et sa logique internes » (#525). Si nous faisons de grandes œuvres sous la conduite de l'Esprit-Saint, nous convaincrons !
Mais avant même de convertir les autres, il nous faut nous convertir nous-mêmes aux principes de l’Église, et transformer le monde dans notre recherche du bien commun. Tout un chapitre est consacré à l'action des laïcs dans le monde (#541 à #574). Ce chapitre n'est ni plus ni moins qu'un envoi en mission. La mission, ce n'est pas que pour les prêtres des missions étrangères de Paris... « Il revient au fidèle laïc d'annoncer l’Évangile par un témoignage de vie exemplaire, enraciné dans le Christ et vécu dans les réalités temporelles : famille, engagement dans le cadre du travail, de la culture, de la science et de la recherche ; exercice des responsabilités sociales, économiques et politiques. […] Ces réalités sont les destinataires de l'amour de Dieu ; l'engagement des fidèles laïcs doit correspondre à cette vision et se qualifier comme expression de la charité évangélique. » (#543) Et cette mission n'est pas seulement l'occasion d'exprimer des positions conformes à la foi. Cette mission est l'expression même de notre foi qui « construit » notre action : « Les fidèles laïcs sont appelés à cultiver une authentique spiritualité laïque, qui les régénère en hommes et femmes nouveaux, immergés dans le mystère de Dieu et insérés dans la société, saints et sanctificateurs. Une telle spiritualité édifie le monde selon l'Esprit de Jésus. » (#545). Bref, (c'était mon message implicite des 10 derniers articles) lisez le compendium !!!

***

Ne nous indignons pas du fait que l'institution Église est gérée par des hommes faillibles, et suivons l'enseignement de l'Eglise sans (trop) nous indigner de l'écart entre parole et actes. Jésus a lui même dit à Pierre qu'il s'appuierait sur lui pour bâtir son Église, alors qu'il savait que Pierre allait le renier par trois fois ; que ce soit pour nous aujourd'hui une source de joie ! Rendons grâce pour les efforts qui sont déployés pour promouvoir dans les instances du Vatican, une plus grande transparence financière, un meilleur contrôle de l'utilisation de l'argent en postulant pour être sur la « white list ». « L'Eglise enseigne qu'une paix véritable n'est possible que par le pardon et la réconciliation » (#517), « L'Eglise lutte pour la paix par la prière » (#519). Prions, de là où nous sommes, pour que le pardon vienne rapidement remplacer les conflits au sein du Vatican. Prions aussi pour que, sous la conduite de l'Esprit de Pentecôte, l'authentique spiritualité cultivée par les responsables du Vatican vienne construire une organisation toujours plus active dans la diffusion de l'évangile et ayant un comportement toujours plus exemplaire pour appuyer son enseignement sur un exemple concret de réussite de mise en œuvre de cet enseignement social.



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